Historique

Un site riche en histoire!

Le parc des Bateliers se distingue particulièrement par son milieu naturel exceptionnel, sa situation géographique mais aussi par la richesse de l’évolution historique de son occupation humaine!

Occupation autochtone

L’occupation du territoire où est situé aujourd’hui le parc des Bateliers ne date pas d’hier. En effet, la présence autochtone autour de l’île de Montréal remonterait à plus de 5000 ans. D’ailleurs, le Service de la mise en valeur du territoire de la Ville de Montréal indique dans ces nombreux ouvrages que les lieux auraient été fréquentés par les autochtones bien avant l’arrivée des premiers colons. À cette époque, l’Amérique était recouverte de forêts majestueuses et denses. Le moyen le plus rapide de se déplacer était d’utiliser les cours d’eau.  Le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Prairies font donc office de voies rapides mais le dénivelé total d’un bout à l’autre de l’île de Montréal est d’environ 16 mètres ce qui complique la navigation. L’Île de Montréal est donc entourée de rapides qui représentaient, à l’époque, un obstacle de taille forçant les autochtones à s’arrêter et à faire du portage. Sur la rivière de Prairies, le rapide du Gros Sault débutait au niveau du parc des Bateliers. Ces mêmes rapides, selon certains historiens, auraient contraint Jacques Cartier à accoster un peu en aval du parc actuel lors de son arrivée au XVIe siècle.  

La rivière des Prairies, un nom historique.

Le père Vimont décrit dans la Relation des Jésuites de 1640, comment on attribua le nom à la rivière en 1610. Selon le récit, un colon dénommé des Prairies avait fabriqué une barque qu’il devait livrer au Sault-Saint-Louis. Rendu à l’intersection entre le fleuve et la rivière, celui-ci prit le bord de la rivière croyant se rendre à destination.  Après cette mésaventure, on attribua le nom de ce jeune homme au cours d’eau.  Quant au fleuve, c’est Jacques Cartier le 10 août 1535, qui lui attribua le nom l’ayant découvert le jour de la fête de Saint Laurent de Rome.

À quand remonte l’installation des premiers colons sur le site

Les premiers colons au nombre de quarante-cinq s’installent entre 1717 et 1748 dans cette partie du Sault-au-Récollet que l’on nomme le Haut du Sault. Ils deviendront les premiers habitants du Gros-Sault.

Un moulin devient la pierre angulaire du développement de la région.

Les Sulpiciens alors Seigneurs de Montréal reprennent en 1797 la terre ayant été concédé à Louise de Couagne en 1728, qui appartenait alors à Louis Beaulieu et Joseph Picard. Ils y feront  ériger en 1798,  par le meunier et entrepreneur Joseph Barbeau un moulin hydraulique d’environ 46 pieds par 56 pieds entre l’île de Montréal et l’actuelle île Perry afin de répondre aux besoins grandissant de la population alors agricole. Une étude démontra plus tard que les roues à aubes pouvaient recevoir une charge d’eau de cinq pieds de hauteur. Celui-ci sera érigé vis-à-vis du moulin au Crochet, érigé par les Jésuites sur l’île de Laval connu anciennement sous le nom de l’île Jésus.

Le moulin du Gros-Sault entre en fonction en 1801 et rapidement il fournit en farine le tout Montréal. Il atteint et parfois dépasse les rendements de son principal compétiteur, à savoir celui du Sault-au-Récollet (situé sur le site du Parc-nature de l’île-de-la-Visitation).

Plusieurs meuniers, au nom connu, se succèdent au moulin comme Pascal Persillier Lachapelle (1826-1837) et Charles Perry (1837-1845). D’ailleurs, ce dernier donnera son nom à l’île voisine du parc des Bateliers. Pascal Persillier Lachapelle qui gérait  une compagnie de traversiers en 1830, construisit un pont de bois en 1836 sur son terrain pour franchir la rivière. De nos jours, le pont d’acier qui enjambe la rivière porte le nom de l’ancien propriétaire des lieux, soit Lachapelle.

Quelques maisons de ferme sont construites le long du chemin du Bord-de-l’Eau, mieux connu aujourd’hui comme étant le boulevard Gouin. Le paysage environnant est composé de champs et de pâturages. C’est au son du moulin qu’un cœur villageois se développe progressivement, ce village prendra le nom du Gros Sault.

La rénovation du moulin à la fin des années 1860 entraîne des problèmes financiers qui se soldent par la faillite de Georges-Lafayette Perry.  C’est en 1876, que les déboires du moulin commencent lorsqu’il est saisi et vendu aux enchères. Il passera alors entre plusieurs mains. Il demeura toutefois vraisemblablement en fonction jusqu’à en 1890

Le moulin est vendu 16000$ par son dernier meunier Jean-Baptiste Prévost à Monsieur Thomas J. Drummond. Celui-ci le revend à la Dominion Construction Company qui le vendra finalement à la Montreal Water and Power pour 80 000$. C’est en 1892, que cette dernière fait démolir le moulin du Gros-Sault  afin de construire un barrage visant à approvisionner l’île de Montréal en électricité. Le moulin était si solidement construit qu’on a dû le faire exploser pour le démolir.  Le canal qui amenait l’eau au moulin fut agrandi à une largeur de 100 pieds. Les galets retirés de cette excavation servirent à rehausser la hauteur de l’île Perry. Des rails pour des wagons à traction animale furent installés pour réaliser l’ensemble des travaux nécessaires à la construction du barrage. D’ailleurs, certains de ces wagons furent entraînés par leur poids et engloutis dans la rivière! Après avoir enfoui près d’un quart de million de dollars de l’époque, la Montreal Water and Power Company voit ses affaires tirer de la patte. Le projet s’arrête en 1893 sans que le barrage hydro-électrique soit construit. Le massacre du lieu était complet et vain. La disparition du moulin, ni les déboires de la Montreal Water and Power ne détournent l’enthousiasme des gens de venir s’installer au Gros-Sault.

Passage obligé pour les draveurs

L’exploitation de la forêt majestueuse du Canada s’est vite développée et est rapidement devenue l’un des piliers économiques de la colonie. À cette époque, les cours d’eau demeurent le principal moyen de transport. C’est d’ailleurs ainsi qu’on acheminait le bois en le laissant flotter sur l’eau. Sur des déplacements de petites distances, le bois flottait en billot libre alors que pour des voyages sur de plus longues distances, on préférait réunir les billots afin de former une sorte de cage permettant aux draveurs (raftmans) d’y habiter. On réunissait par la suite plusieurs cages de façon à former d’immense train de bois flottant. La rivière des Prairies n’a pas échappé au phénomène!

C’est d’ailleurs en 1806, que les premières cages provenant des chantiers de Philémon Wright empruntent la rivière des Prairies. Le tumultueux Gros-Sault barrait la route aux trains de bois. Alors c’est en face de l’Abord-à-Plouffe que débarquaient les draveurs et la marchandise afin de permettre aux bois de passer le Gros-Sault. Ceux-ci était repris en charge une fois arrivés en eau calme, en aval de l’île de la Visitation. Au Gros-Sault, les femmes se font discrètes et fuient les regards voraces de ces hommes fraîchement sortis du bois. Le langage de ces derniers faisait d’ailleurs scandale à l’époque. C’est la sœur Bienvenue, qu’on désigna comme l’Apôtre des cageux, qui ouvrira une cantine à leur intention. Avec le menu du jour, elle remettait une image du Sacré-Coeur et comme paiement elle leur demandait simplement de respecter le bon Dieu en arrêtant de blasphémer ! Le volet coloré de la drave sur la rivière des Prairies prend fin en 1908.

Du Village de vacances à aujourd’hui

Le village du Gros-Sault connaîtra toutefois un essor remarquable avec la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique en 1876 et l’apparition d’une gare. Dès lors, le village du Gros Sault devient un lieu de villégiature très prisé, on y verra apparaître les résidences d’été de familles fortunées ainsi qu’un complexe hôtelier. Les Montréalais fortunés passent ainsi l’été à la campagne à se détendre près de la plage fuyant la chaleur, les odeurs et les épidémies que l’on retrouve en ville.

Ce cœur villageois  gardera ces allures de village de vacances jusqu’à l’arrivée du tramway en 1895. En 1898, le village prend le nom de Saint-Joseph-de-Bordeaux. Progressivement, les complexes hôteliers disparaissent et les chalets deviennent des résidences permanentes. On assistera à la subdivision des terres agricoles et à la création de rues transversales au chemin du Bord-de-l’Eau.

En 1891, le gouvernement achète deux terres dans Bordeaux pour y construire une nouvelle prison afin de remplacer celle du Pied-du-Courant. La prison de Montréal, communément appelée prison de Bordeaux, ne sera construite que quelques années plus tard, soit de 1908 à 1912. Précision que c’est la seule prison au Canada de type pennsylvanien. Les prisonniers y seront longtemps transportés par train.

En 1910, le village de Saint-Joseph-de-Bordeaux est annexé à Montréal et le chemin du Bord-de-l’Eau est nommé boulevard Gouin en l’honneur de Lomer Gouin (1861-1929), premier ministre puis lieutenant-gouverneur du Québec.

Les rapides jadis si puissants et si bruyants qu’ils troublaient le sommeil des  voyageurs arrêtés à l’hôtel Bordeaux, se sont tues à jamais en 1929 lors de la construction et la mise en service du barrage Simon-Sicard. Celui-ci a été acquis en 1944 par Hydro-Québec lors de la phase de la nationalisation de l’électricité.

Les terrains de Bordeaux sont presque tous construits avant la Première Guerre mondiale mais le développement urbain se  poursuit jusqu’à la fin des années 1950.

Un milieu de villégiature du 19e siècle disparu au profit de la Nature…

La disparition de la gare, du moulin et des hôtels laissera progressivement la place aux arbres puis à la forêt. C’est à cet endroit que se situe la belle trame verte constituée du parc des Bateliers, de la Merci et de l’île Perry. Aujourd’hui, au parc des Bateliers, en regardant les magnifiques spécimens de noyers cendrés, d’érables noirs et d’érables à sucre, il est dur d’imaginer l’histoire de ce site. Le parc est donc un exemple de la Nature qui reprend ses droits.

D’ailleurs cette trame verte est considérée par le Service de la mise en valeur du territoire de la Ville de Montréal comme secteur ayant un fort potentiel archéologique.

En 2002, le parc est nommé en mémoire des conducteurs d’embarcations qui utilisaient la rivière pour le transport des personnes, des marchandises et des draveurs qui devaient s’arrêter au village de Gros-Sauts pour éviter les rapides.

En 2018, le parc bénéficie désormais d’un statut d’aire protégée grâce à la ratification d’une entente de protection et de conservation à perpétuité. Arrêtez-vous un instant et imaginez toutes ces personnes ayant naviguées près d’ici. Laissez-vous bercer par le chant de ces eaux tressées de rêves, rêves portés par ces gens du passé et par ceux qui encore aujourd’hui contemplent ces rapides.